mardi, septembre 08, 2009
Transferts d’armes clandestins: Un autre cas similaire en 2004, par Fabrice de Pierrebourg

La coïncidence est troublante. Lors de ses recherches, RueFrontenac.com est tombé sur une autre histoire similaire à celle de Mirabel relatée par des journaux indiens, The Hindu et le Asian Tribune.
Fin septembre 2004, les autorités indiennes ont bloqué pendant plusieurs jours sur le tarmac de l’aéroport d’Ahmedabad un Antonov AN-12 de la même compagnie Vega chargé d’explosifs (dont une tonne d’un puissant explosif de type « plastic » C4) et de munitions, alors que celui-ci faisait escale vers le Népal.
Les autorités locales ont cherché à en savoir plus, avant d’autoriser le redécollage de l’avion de Vega vers Katmandou. Il faut dire que quelques mois plus tôt, les Indiens avaient déjà intercepté un autre avion bourré de près de 5 500 armes acquises par le gouvernement du Népal en Belgique cette fois.
Un branle-bas de combat
L’affaire de septembre 2004, jugée au départ plutôt louche, a causé en Inde tout un émoi dont la presse locale s’est fait l’écho.
Un ballet téléphonique se serait engagé entre les diplomaties indiennes et américaines, en plus d’impliquer des services secrets de tous bords.
La porte-parole de l’ambassade des États-Unis dans la capitale népalaise avait alors soutenu qu’il s’agissait d’« équipement » non militaire expédié par les États-Unis dans le cadre de son « programme d’assistance pour la formation de la police népalaise » pour l’aider dans sa « lutte contre la terreur ».
Selon certaines informations diffusées par la suite, l’avion-cargo bulgare transformé en bombe volante avait décollé de Baltimore, au Maryland (!), avait fait escale à Gander, au Canada, puis à Shannon (Irlande), Plovdiv (Bulgarie), Oman et enfin Ahmedabad.
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Transferts d’armes clandestins: Vega, compagnie bannie, par Fabrice de Pierrebourg

Vega Airlines Ltd. était propriétaire d’une petite flotte d’avions russes Antonov spécialement équipés pour le transport de matières explosives et dangereuses.
Mais Vega possédait surtout un curriculum vitæ « remarquable » en matière de transport d’armes et de divers équipements militaires vers des zones de guerre ou de troubles (Rwanda, Congo, Bosnie, Côte d’Ivoire, etc.) et parfois en violation avec plusieurs embargos.
Vega avait sollicité et obtenu en janvier 2003, décembre 2004 puis décembre 2005 les autorisations nécessaires de l’Office des transports du Canada afin d’utiliser les aéroports de Mirabel, Hamilton, Gander et Winnipeg pour y faire transiter du « fret international ».
Chez Transports Canada, on indique que Vega disposait aussi lors des événements relatés par RueFrontenac.com d’un « Permis de niveau équivalent de sécurité ». Un document nécessaire dans les cas de transport de marchandises dangereuses pour survoler l’espace aérien canadien ou y faire une escale technique, nous précise Patrick Charrette, porte-parole. « Sa durée est variable, mais il était valide à ce moment-là », dit-il.
Compagnie bannie
Nous n’avons retrouvé la trace sur le site Web de Transports Canada que d’un permis d’une durée de 20 jours. Il avait été émis le 11 mai 2006 pour que Vega puisse survoler le Canada et y faire escale avec un avion-cargo contenant dans ses soutes des « propulseurs à propergol liquide ».
Bannie en 2007 par les autorités bulgares et européennes, Vega a disparu quelque temps avant de réapparaître dans les airs sous le nom de Cargo Air. La compagnie a remisé ses vieux Antonov au profit de Boeing 737-300 acquis auprès de US Airways. Mais les appareils aux couleurs de Vega sont encore visibles sur la galerie de photos. On y voit, par exemple, un char d’assaut en train de pénétrer dans la soute.
Cargo Air a aussi affiché pendant quelque temps sur son site Web son « Certificat canadien d’exploitant aérien étranger » délivré par le ministre des Transports le 24 octobre 2008.
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Transferts d'armes via Mirabel par les Américains pour contourner un embargo, par Fabrice de Pierrebourg

Sous l’ère de George W. Bush, le gouvernement des États-Unis a utilisé l’aéroport de Mirabel pour expédier dans la plus grande discrétion des armes et des munitions destinées à la dictature monarchique népalaise pour l’aider à écraser dans le sang la rébellion maoïste.
L’histoire qui suit, révélée par RueFrontenac.com, est nébuleuse. Nébuleuse comme toutes les affaires qui se déroulent dans l’univers opaque et glauque des réseaux de vente d’armes.
C’est une preuve de plus que les livraisons d’armes vers des zones de conflit les plus chaudes, qu’elles soient initiées par des États ou des trafiquants sans vergogne, suivent des chemins tortueux pour brouiller les pistes, éloigner les curieux, contourner des embargos ou des traités internationaux.
Les acteurs, volontaires ou involontaires, de ce récit digne d’un scénario de film d’aventures sont trois États, plusieurs organismes fédéraux canadiens, des corps policiers, un service de renseignements et une ex-compagnie aérienne bulgare considérée comme scélérate. Autant d’acteurs qui s’enferment dans un silence de circonstance quand on leur demande des explications ou des commentaires.
Les faits, tels qu’ils sont reconstitués malgré tout par RueFrontenac.com, se sont produits au moins deux fois au cours de l’été et de l’automne 2005. La dernière expédition confirmée a eu lieu à la fin du mois d’octobre 2005.
La piste de ces armes remonte jusqu’au Maryland, dans l’entrepôt d’une compagnie spécialisée dans l’emballage de marchandises dangereuses ou fragiles avant leur expédition par air, terre ou mer. Fondée par un ancien combattant du Vietnam, elle compte parmi ses clients différents organismes officiels américains, dont le département de la Défense, le département d’État et des services de renseignements.
À combien de reprises la compagnie en question est-elle intervenue pour l’expédition d’armes vers le Népal ou ailleurs via le Canada ? Sans surprise, la porte-parole de l’entreprise n’a pas voulu répondre à nos questions en raison, précise-t-elle, de l’identité de son client. « Je ne peux révéler ce genre d’information, c’est confidentiel », a-t-elle indiqué.
Du Maryland à Mirabel
À la fin du mois d’octobre 2005, la première partie de ce long périple vers le Népal s’est effectuée par la route.
Première étape : l’aéroport de Mirabel. Protégée par un scellé diplomatique, cette cargaison d’armes et de munitions a voyagé sous haute surveillance. Passé le poste frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle, il y aurait eu escorte par des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada. L’organisme a lui aussi refusé d’émettre un commentaire à ce sujet.
Le plan prévoyait que les cargaisons mortelles devaient ensuite être chargées sans tarder dans la soute d’un avion-cargo Antonov appartenant à la compagnie bulgare Vega Airlines Ltd. Une compagnie à la feuille de route peu reluisante, comme vous le constaterez plus loin.
Sauf qu’à la fin du mois d’octobre 2005, un grain de sable s’est glissé dans l’engrenage, perturbant ce scénario a priori parfait. Pour une raison inconnue, probablement un problème d’autorisation en bonne et due forme de Transports Canada, l’avion de Vega n’a pu se poser à l’heure dite. Résultat, il a fallu entreposer pendant un certain laps de temps les armes et munitions à leur arrivée des États-Unis. Ce qui n’était pas non plus sans poser un grave problème de sécurité.
Réunion d’urgence
Tout cela n’est pas passé inaperçu auprès de certains sur le tarmac de Mirabel. De son côté, Aéroports de Montréal (ADM) avait déjà été avertie officiellement du contretemps. Les représentants régionaux des autorités gouvernementales concernées, c’est-à-dire Transports Canada, la GRC, la SQ et le SCRS, ont été à leur tour mis au courant. L’affaire semblait si suspecte que ces interlocuteurs se sont réunis pour évoquer ce cas aussi étrange qu’embarrassant qui « sentait la CIA », chuchotait-on dans les couloirs.
Cet événement survenait au moment où le scandale des vols secrets de la CIA pour transporter des prisonniers vers des pays sous-traitant la torture prenait de l’ampleur dans le monde. Pas étonnant que certains à Mirabel aient même voulu vérifier de plus près le contenu des caisses chargées à bord de l’Antonov bulgare.
Il était trop tard. Vega avait fini par obtenir les autorisations nécessaires et son avion s’était envolé dans le ciel des Laurentides vers sa destination finale. Un long périple avec des escales à Gander, Shannon et Sofia.
ADM a confirmé à RueFrontenac.com ces expéditions d’armes vers un « pays étranger ». Mais soutient au contraire ne pas avoir été « impliquée » dans l’opération, alors que certaines procédures obligatoires − et gardées confidentielles − pour les vols spéciaux auraient dû au contraire être mises en branle, nous a-t-on dit.
Quoi qu’il en soit, ce petit manège aurait cessé par la suite.
Une répression féroce
L’affaire prend tout son relief lorsqu’on se penche sur la situation politique au Népal à cette époque. Il faut savoir que les forces de sécurité locales s’étaient lancées dans une répression brutale contre la rébellion maoïste du Parti communiste népalais. Plusieurs organismes de défense des droits de la personne n’avaient de cesse de dénoncer les exactions commises depuis une dizaine d’années.
Dans un rapport diffusé en juin 2005, Amnesty International dénonce « des milliers de cas d’arrestations arbitraires, de détentions non reconnues, d’actes de torture et de « disparitions » imputables aux forces de sécurité ». Avant d’ajouter : « La crise des droits de la personne s’est aggravée au Népal depuis le 1er février, lorsque le roi Gyanendra Bir Bikram Shah Dev a pris le contrôle du pouvoir exécutif. »
Depuis le début des années 2000, les États-Unis, l’Inde, la Grande-Bretagne et même la Chine figuraient parmi les principaux pourvoyeurs en armes et munitions des forces de sécurité népalaises. À la suite de la prise de pouvoir absolue par le roi Gyanendra, l’Inde et le Royaume-Uni ont décidé de suspendre toute aide militaire au gouvernement. Le 13 septembre 2005, le porte-parole de l’ambassade des États-Unis à Katmandou affirmait que les Américains venaient tout juste de signifier au gouvernement du Népal ">leur intention de respecter l'embargo et de suspendre toute fourniture d’équipement pouvant causer la mort (létale) tant que la situation ne serait pas revenue à la normale.
Ce qui ne fut pas le cas, à la lumière des événements survenus à Mirabel quelques semaines plus tard.
Des questions sans réponse
Aujourd’hui, bien des questions subsistent. Pourquoi, par exemple, avoir choisi le Canada pour expédier armes, munitions et explosifs au Népal ? N’y a-t-il pas assez d’aéroports aux États-Unis ? À combien de reprises cela s’est-il produit ?
Nous avons joint le département d’État américain afin d’obtenir plus d’éclaircissements. L’organisme a décliné, suggérant à RueFrontenac.com de contacter le ministère de la Défense… qui a passé son tour et renvoyé la balle dans le camp du département d’État.
• En mai 2006, Amnesty International et l’organisme TransArms ont dénoncé dans un rapport commun cette filière clandestine de livraison d’armes américaines vers le Népal. Une route « très tortueuse via le Canada et l’Europe », lit-on.
• Les Antonov AN-12 de Vega ont aussi été aperçus à plusieurs reprises sur le tarmac de plusieurs aéroports canadiens, notamment le 8 juillet 2005 à Hamilton.
(Avec la collaboration de Valérie Dufour)
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