mardi, juin 17, 2008

 

Le traité sur les bombes à sous-munitions ouvre de nouvelles perspectives, par Francis Chartrand


Le nouveau traité sur les bombes à sous-munitions adopté le 30 mai 2008 à Dublin va sauver des milliers de vies pendant les dizaines d’années à venir, et contient des dispositions clés plus fermes que ne s’y étaient attendus même ses plus ardents défenseurs, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le traité interdit immédiatement tous types de bombes à sous-munitions, rejetant les tentatives initiales de certaines nations de négocier des exceptions pour leurs propres arsenaux, ainsi que des appels à une période de transition qui aurait retardé l’interdiction d’une dizaine d’années ou plus.

Au-delà des interdictions portant sur l’utilisation, la production, le stockage et le commerce, le traité comporte également des dispositions très fermes exigeant que les Etats fournissent une assistance aux victimes et nettoient les zones affectées par les bombes à sous-munitions.

« Ce traité fera du monde un endroit plus sûr pour des millions de gens », a déclaré Steve Goose, directeur de la division Armes à Human Rights Watch. « Les bombes à sous-munitions ont été jetées dans la poubelle de l’Histoire. Aucune nation ne pourra plus jamais les utiliser sans provoquer la désapprobation et la répugnance immédiates de la plupart des pays du monde. »

Les bombes à sous-munitions explosent en l’air et envoient des dizaines, voire des centaines de minuscules petites bombes sur une zone de la taille d’un terrain de football. Utilisées dans des zones urbaines, elles tuent et blessent invariablement des civils. Utilisées dans n’importe quelle circonstance, elles peuvent causer des dommages aux civils encore des dizaines d’années après que la guerre soit finie, puisque les bombes non explosées au sol se comportent comme des mines antipersonnel, explosant au contact.

Les gouvernements tout comme les organisations non gouvernementales qui ont fait campagne pour le traité se sont appuyés sciemment sur le précédent créé par le Traité d’interdiction sur les mines antipersonnel de 1997. Mais à de multiples égards, la Convention sur les bombes à sous-munitions va plus loin, a fait remarquer Human Rights Watch.

« Ce traité interdit non pas seulement certaines bombes à sous-munitions, mais toutes les bombes à sous-munitions », a déclaré Goose aux délégués assemblés en sa qualité de co-président de la Coalition des bombes à sous-munitions, un groupe de centaines d’ONG soutenant l’interdiction. « Il n’essaie pas de distinguer entre bonnes bombes à sous-munitions et mauvaises bombes à sous-munitions, il les interdit toutes. C’est une convention sans aucune exception. C’est une convention sans aucun sursis. Elle ne peut être décrite que comme une convention extraordinaire. »

Human Rights Watch a recommandé aux gouvernements qui soutiennent le traité de faire tous les préparatifs nécessaires pour signer le traité à Oslo en décembre 2008. Le traité entrera en vigueur après que 30 nations l’auront signé et ratifié.

Plusieurs des principaux utilisateurs ou détenteurs mondiaux de bombes à sous-munitions n’étaient pas présents aux pourparlers de Dublin, à savoir les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, le Pakistan et Israël. Mais l’expérience du Traité d’interdiction des mines antipersonnel laisse supposer que même les non signataires finiront par se sentir liés par l’interdiction des bombes à sous-munitions. Bien que les Etats-Unis n’aient pas encore signé le Traité d’interdiction des mines, par exemple, ils n’ont pas utilisé, exporté ni produit de mines antipersonnel depuis que ce traité a été négocié il y a 11 ans.

« L’effet le plus important de ce traité est de stigmatiser les bombes à sous-munitions », a dit Goose. « La stigmatisation grandira et s’intensifiera avec le temps, et finira par rendre l’utilisation des bombes à sous-munitions impensable par n’importe qui. »

L’unique déception engendrée par le nouveau traité provient de l’Article 21, conçu pour fournir une protection légale aux forces armées d’un signataire si un autre pays utilise des bombes à sous-munitions au cours d’opérations militaires conjointes. Human Rights Watch a recommandé aux gouvernements de clarifier par des déclarations officielles un « accord commun » selon lequel le traité n’autorise pas une assistance délibérée à l’utilisation de bombes à sous-munitions au cours d’opérations conjointes et qu’il n’autorise pas des non signataires à stocker des bombes à sous-munitions sur le territoire d’Etats signataires.

Le gouvernement du Royaume-Uni a déjà indiqué qu’il demandera aux Etats-Unis d’enlever ses bombes à sous-munitions du territoire du Royaume-Uni dans le délai de huit ans prévu pour la destruction des stocks.

Les Etats-Unis n’étaient pas présents aux négociations, mais ils ont exercé en coulisses des pressions intenses sur les Etats négociateurs pour éviter d’interdire une future utilisation par les Etats-Unis de l’arme interdite.

L’Article 21 du traité comprend aussi une exigence pour les signataires de décourager activement l’utilisation par d’autres Etats.

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