jeudi, février 12, 2009
Salman Rushdie, la fatwa et la lâcheté des élites, par Helios d’Alexandrie
Je tiens à remercier Annie Lessard et Marc Lebuis pour avoir offert aux visiteurs de Point de Bascule une interview en profondeur de Salman Rushdie, auteur des Versets sataniques. Je n’ai pu m’empêcher en la visionnant de penser au risque que cet homme prenait en exprimant en public sa vision des choses. Homme traqué et en danger de mort, il le fut longtemps. Même si la fatwa khomeyniste ne pèse plus autant qu’avant, la rage meurtrière dont il est l’objet reste vive, comme en témoignent les manifestations de haine qui ont accueilli son anoblissement par la Reine d’Angleterre.
Avec le recul, il est possible de mesurer les effets pervers de la fatwa, véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, mais également au-dessus de la tête de tous les penseurs et écrivains traitant de l’islam. C’est la première fois dans l’histoire contemporaine qu’une menace visant un seul écrivain a été ressentie par tous les autres comme si elle leur était adressée personnellement.
Peu nombreux ont été ceux qui, dès le départ, ont pressenti les conséquences à long terme de la fatwa. Cette peur de causer l’offense, ou plutôt cette peur d’être puni de mort pour avoir offensé l’islam, a non seulement prêté main-forte à la rectitude politique, mais elle a également été intériorisée par la majorité des décideurs dans les démocraties. C’est le syndrome de la femme battue qui se reproche à elle-même la violence de son mari. De Théo Van Gogh à Geert Wilders en passant par les caricaturistes danois et Benoît XVI, la réaction des médias, des politiciens et des élites a été majoritairement réprobatrice à l’égard de ceux qui s’avisent de critiquer l’islam, non que la critique soit injustifiée mais parce que l’islam est interdit de critique de peur des conséquences.
Le rôle de la peur ne doit pas être sous-estimé. Ce n’est pas le respect dû aux religions qui constitue une barrière à la critique. Si c’était le cas, le dénigrement dont le christianisme et l’Église sont l’objet se tarirait. Or nous observons exactement le contraire. Comme par compensation, n’osant pas critiquer l’islam ni les musulmans, on décuple les attaques contre tout ce qui est chrétien.
Conséquence pratique de cette évolution, la rage des musulmans a été légitimée et le droit de critiquer l’islam a été de facto aboli. Désormais, ceux qui osent se prévaloir de ce droit s’exposent à la stigmatisation voire à des poursuites pour incitation à la haine. Il a été possible de s’en rendre compte lors de l’affaire des caricatures de Mahomet. La grande majorité des quotidiens en Europe et en Amérique du Nord ont pratiqué l’autocensure et ne les ont pas publiées, et les rares publications qui ont transgressé l’interdit ont fait l’objet de poursuites.
On peut sans risque de se tromper soutenir que l’histoire ne fournit aucun exemple d’un phénomène équivalent. Dans les années trente, la peur des nazis et de la guerre a poussé les démocraties sur la voie de l’apaisement. Cependant les critiques virulentes contre le nazisme se sont poursuivies dans ces pays jusqu’à l’occupation par les armées allemandes. Contrairement au fascisme allemand, le fascisme islamique agit à distance. La peur qu’il suscite est intériorisée, elle conditionne désormais le comportement des gens, elle les transforme en collaborateurs serviles, elle fait d’eux des dhimmis.
La lâcheté, c’est le choix délibéré de la peur comme motivation. Ce choix ne peut se faire sans honte et mauvaise conscience, et c’est pourquoi ces sentiments sont refoulés et recouverts par compensation de principes moraux. Les lâches en viennent ainsi à accepter et à promouvoir l’inacceptable au nom de la morale ; c’est ce qu’on appelle l’inversion des valeurs. Comme par hasard, le fascisme islamique leur fournit une part substantielle des arguments moraux dont ils ont besoin : le rejet du « racisme » et de « l’islamophobie », la « liberté » de pratiquer sa religion, le droit de ne pas être « offensé » et celui de ne pas effectuer de tâches contraires à ses convictions religieuses.
Par respect de ces « principes » et au nom de « l’ouverture » et du « vivre ensemble », l’intrusion grandissante du religieux dans l’espace public, le voile intégral, la discrimination sexuelle, la polygamie, la violence conjugale, les prêches haineux dans les mosquées, l’éloge du terrorisme, l’antichristianisme, l’antisémitisme, le mépris et le rejet de la société d’accueil, sont de plus en plus tolérés au point de faire partie de la normalité.
Au Québec, l’événement Hérouxville a été extrêmement traumatisant pour les élites. Le courage tranquille des citoyens et des élus de cette petite municipalité rurale a selon toute vraisemblance fait remonter à la surface les sentiments de honte et de mauvaise conscience que les élites bien-pensantes avaient soigneusement refoulés. Elles ont l’espace d’un instant pris conscience de leur lâcheté. C’était plus qu’elles ne pouvaient supporter, il leur fallait donc à tout prix stigmatiser Hérouxville, dénigrer ses citoyens, les traîner dans la boue, les couvrir de honte, et insuffler la mauvaise conscience dans l’esprit des Québécois. L’agressivité et l’acharnement dont les élites ont fait preuve à l’encontre d’Hérouxville est un indice qui ne trompe pas du désarroi psychologique qui les a frappé à cette occasion.
« Je crains davantage la lâcheté des occidentaux que la violence des islamistes ! » Cette déclaration d’Ibn Warraq est instructive ; voilà un écrivain qui s’est donné pour mission de lever le voile qui recouvre l’islam et ses innombrables laideurs. À l’exemple de Salman Rushdie, il est traqué et sa tête est mise à prix. Il a autant que lui des raisons de craindre le poignard des assassins, cependant il perçoit la lâcheté des élites occidentales comme un plus grand danger.
Et il a raison. Au Pays-Bas, les dirigeants politiques ont la même attitude agressive à l’égard de Geert Wilders que les élites du Québec à l’égard d’Hérouxville. Le courage des uns est insupportable à la lâcheté des autres, c’est pourquoi ceux qui font preuve de courage doivent être absolument détruits. C’est comme si les dirigeants des Pays-Bas assassinaient Theo Van Gogh une seconde fois. Comme dirait l’autre, les islamistes sont morts de rire, ils n’ont pas besoin de lever le petit doigt, les lâches font tout le travail !
Il y a vingt ans Khomeiny lançait sa fatwa contre Salman Ruhsdie. Savait-il alors qu’il inoculait le virus de la lâcheté dans l’esprit des élites occidentales ? Peut-être que sa fatwa ne faisait que réactiver et rendre plus virulent un virus déjà en place. Comme l’avènement du nazisme dans les années trente, la fatwa a mis en branle un processus de concessions et d’apaisement visant à éviter l’affrontement, mais il est à prévoir que comme dans les années trente, les mêmes causes finiront par produire les mêmes effets.
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