samedi, décembre 12, 2009
Tintin chez les Helvètes, par Joseph Facal
Quand la tribu médiatico-politique est unanime, je me méfie instinctivement. Après vérification, la réalité est toujours plus compliquée.
Les sondeurs n'avaient rien vu venir : dans un référendum, 57,5 % des Suisses ont voté pour l'interdiction de construire de nouveaux minarets.
Un minaret, c'est la tour du haut de laquelle on appelle les musulmans à la prière cinq fois par jour. Il n'est pas obligatoire qu'une mosquée en ait un.
À l'extérieur de la Suisse, les réactions ont immédiatement fusé : un vote «haineux», «honteux», un «retour du fascisme». Rien de moins.
La Suisse paraît en effet bien mal. On n'y compte que quatre minarets sur 200 mosquées. Une règlementation municipale aurait probablement suffi. Les pancartes assimilant les minarets à des missiles étaient profondément malhonnêtes. Les musulmans ont-ils raison de se sentir injustement visés ? Oui.
Les minarets n'étaient évidemment qu'un prétexte. Le référendum a fait s'exprimer le malaise d'une majorité qui voit une communauté religieuse en croissance exponentielle s'affirmer fortement sur la place publique. De la même façon, au Québec, la crise des accommodements raisonnables ne portait pas vraiment sur des femmes en collants faisant de la gymnastique.
Pour le politologue suisse Michael Hermann, un score aussi élevé signifie qu'au vote xénophobique de droite s'est ajouté un vote laïc et féministe de gauche. L'idéologue islamiste Tariq Ramadan a aussi donné un formidable élan au camp de l'interdiction en admettant que le minaret était une affirmation politico-identitaire et non une prescription religieuse.
La Suisse compte seulement 7,8 millions d'habitants, comme le Québec. En 1970, il y avait 16 000 musulmans en Suisse. En 1980, le nombre était passé à 57 000. Aujourd'hui, c'est 400 000. La question se pose : peut-on intégrer de tels volumes, si rapidement, sans qu'une petite société se sente bousculée ?
Non, car justement, on n'intègre plus. Dès lors, c'est l'engrenage : chômage, pauvreté, exclusion, discrimination, colère, criminalité. Le Washington Post du 29 avril 2008 rapportait qu'en France, par exemple, entre 60 et 70 % de la population carcérale est musulmane, composée pour la plupart d'enfants d'immigrants.
La Turquie est le pays musulman qui a le plus durement critiqué la Suisse. Saviez-vous que, jusqu'en 2003, il était interdit d'y construire des lieux de culte non musulmans ? Comme la Turquie veut maintenant joindre l'Union européenne, on a abrogé cette interdiction et on est devenu plus subtil.
À Ankara, la règlementation municipale exige désormais que les lieux de culte aient une superficie minimale de 2500 mètres carrés. Dans un pays à 99 % musulman, les autres confessions sont forcément pauvres. Elles n'ont donc pas les moyens de construire si gros ou, si elles les ont, la ville leur dit alors qu'il n'y a pas assez d'espace pour de si gros projets.
Le premier ministre turc, Tayyip Erdogan, a aussi déjà écrit que les minarets étaient les «baïonnettes» de l'islam. C'est rassurant.
Dans toutes les sociétés occidentales, la mauvaise intégration des immigrants et la funeste idéologie multiculturaliste alimentent un malaise identitaire réel. Le nier ou le réduire à un acte d'accusation contre la majorité, c'est garantir que lorsque ce malaise s'exprimera, il sortira tout croche.
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Libellés : Islam, Joseph Facal, Monde Arabe, Religion et fanatisme, Suisse, Turquie
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