jeudi, septembre 09, 2010
Commission Bastarache: la bibitte, par Richard Martineau
Richard Martineau
07/09/2010 04h40
La commission Bastarache est quand même une drôle de bibitte, vous ne trouvez pas ?
Car enfin, la commission Gomery était basée sur des faits.
Il y avait eu une enquête de la vérificatrice générale, des informations, des preuves, des reportages dans les journaux montrant par exemple que le gouvernement avait payé 550000 $ à une firme de marketing pour un rapport que personne ne pouvait retrouver, etc.
Bref, cette commission reposait sur du solide. On avait toutes les raisons du monde de la mettre sur pied.
Sur du sable
Or, la commission Bastarache repose sur des allégations non prouvées et non prouvables.
Bellemare affirme que le premier ministre a dit telle affaire. Charest dit que c'est faux.
Aucun fait, aucune preuve. Que des assertions. Comme disent les anglos: «He says, he says.»
Ou vous croyez le premier ministre, ou vous croyez l'ex-ministre de la Justice.
À moins d'une surprise de dernière minute (un témoin caché dans le placard qui a tout entendu), cette commission ne réussira jamais à révéler ce qui s'est vraiment passé entre ces deux hommes.
Les doutes continueront de flotter.
Ceux qui détestent Charest feront fidu principe de présomption d'innocence et le déclareront coupable. Ceux qui l'aiment le défendront bec et ongles, en disant qu'il a été l'objet d'un règlement de compte.
Aucun sceptique ne sera confondu, aucun croyant ne sera converti.
Le duel
En fait, Bastarache n'est pas une commission. C'est un duel.
Marc Bellemare a lancé des affirmations remettant en question l'honnêteté et la respectabilité de Jean Charest. Charest l'a poursuivi et a créé une commission d'enquête pour rétablir sa réputation.
En d'autres temps (à l'époque des mousquets et des chapeaux hauts de forme), Charest aurait giflé son ancien ministre en public et l'aurait sommé de se présenter à l'orée d'une forêt, aux petites heures du matin, avec un témoin et un pistolet.
Contrairement à la commission Gomery, la commission Bastarache n'a pas tant été mise sur pied pour éclairer la population que pour laver l'honneur d'un politicien.
Viens voir les comédiens
Le réseau LCN a cartonné en diffusant les audiences de la commission Bastarache. Normal: c'est la meilleure pièce de théâtre en ville.
Vu qu'aucune allégation ne pourra être prouvée, tout repose sur le jeu et la crédibilité des belligérants.
L'enjeu n'est pas «qui va dire la vérité?» (on ne la connaîtra probablement jamais), mais «qui SEMBLE le plus dire la vérité?»
Alors, on scrute attentivement le visage des deux adversaires.
Le moindre clignement d'oeil, la moindre goutte de sueur, le moindre tremblement de la joue sont analysés, disséqués, décortiqués.
C'est comme lorsque le juge américain Clarence Thomas avait été accusé de harcèlement sexuel par Anita Hill.
Les républicains prenaient pour lui. Les démocrates prenaient pour elle.
Mais que s'est-il passé vraiment entre ces deux personnes? Personne ne peut le dire avec certitude.
Notre vision des faits varie en fonction de notre allégeance politique.
Une expérience troublante
Au XIIe siècle, le prince syrien Ibn Mounqidh a assisté à un duel entre un forgeron et un vieil homme.
L'expérience l'a profondément choqué.
«Où était la justice dans tout cela?, s'est-il écrié. Où était le criminel? Où était l'innocent?»
Maudite bonne question.
Libellés : Parti Libéral du Québec, Québec, Richard Martineau
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