lundi, mai 12, 2008

 

Comment militer en « made in China »

Par Jérémie Carvalro
« Agissons vite, le Tibet se meurt » scandent-ils. Militer est devenue une véritable mode depuis le début du parcours de la « torche » olympique. Même l'organisation Reporters sans frontières est passée de la dénonciation passive à l'activisme. Toutes ces banderoles, drapeaux et bannières ont fait de l'ombre à la lutte des droits de l'homme bien plus qu'elles ne l'ont soutenue.
C'est le ridicule 100% coton « made in China » de cette mode qui fait sombrer la crédibilité de cette cause. Le citoyen qui sort dans les rues, plein de bonnes intentions, gonflé par la couverture médiatique et les slogans qui pleuvent de partout devrait réaliser que même s'il brandit des affiches « Free Tibet » ou bien le drapeau tibétain, ses vêtements supportent probablement le pays oppresseur auquel il doit s'opposer.
Militer devient alors une opposition naïve, qui ne peut être pris au sérieux et dont on ne retient que la maladresse et les débordements d'un discours pourtant majeur. Ce n'est tout de même pas une tâche facile de se conscientiser quand on fait face au silence de nos « grands » hommes politique. Si ces détails nous échappent, l'économie est grandement prise en considération dans ces contradictions politiques.
C'est ce que j'appelle affectueusement l'hypocrisie marchande, crié par un silence politique encore jamais atteint. On se permet de critiquer et de sanctionner les gouvernements russe, africain, ou tous ces régimes sanglants tels le Zimbabwe, mais face à la puissance économique de la République Populaire de Chine, les grands politiciens semblent oublier les droits de l'homme, la liberté d'expression et ces valeurs dont ils se vantent tant d'être à la défense.
Quand on prend en considération le lourd passé des Jeux Olympiques, il est ridicule que certains clament haut et fort que le sport ne devrait pas être politisé. Cessez de vous mentir, il l'a toujours été. Le meilleur exemple demeure les Jeux de Moscou qu'une cinquantaine de pays avaient boycotté pour dénoncer l'invasion de l'Afghanistan. Mais en Afrique du Sud c'est le boycott économique qui était moins grand, ou nos convictions politiques de l'époque qui étaient plus fortes?
Ce silence politique replongera les Jeux dans l'époque sombre des Jeux de 1936. Vous vous souvenez? Les nations avaient défilé les unes après les autres pour couvrir de prestige Berlin et le désormais célèbre Adolf Hitler.
Nicolas Sarkosy est le seul chef d'état à envisager un boycottage de la cérémonie d'ouverture des Jeux. Sa participation dépendra de l'attitude du gouvernement chinois face à un dialogue avec le chef spirituel tibétain.
Pourtant, l'enjeu primaire était la liberté d'expression et les droits de l'homme en Chine que l'organisation Reporters sans frontières dénonçait depuis déjà quelque années. Mais la cause tibétaine, au lieu d'en devenir le symbole, l'a plutôt éclipsée. Pas étonnant que la société occidentale, plongée dans le matérialisme jusqu'au cou, prise dans un vide existentiel à la recherche d'un dieu se sente davantage interpellé par les répressions que vivent le Dalaï-lama et le peuple tibétain. Pendant ce temps, les Chinois vivent les mêmes répressions mais n'ont pas droit aux mêmes cris ni aux mêmes bannières.
À défaut de ne pas pouvoir renverser la répression, nous devrions d'abord faire preuve d'honnêteté. Ça fait plus de sept ans que nous connaissons le choix du Comité International Olympique de nommer la Chine comme l'hôte des Jeux Olympiques de 2008. Ça fait des décennies que nous connaissons le système répressif qui règne sur la République Populaire, mais c'est à minuit moins une que nous nous insurgeons comme s'il s'agissait d'une nouvelle. Mais c'est trop peu trop tard. Assumons-le, nous sommes l'oppresseur!

Libellés : , , ,


Commentaires: Publier un commentaire

S'abonner à Publier des commentaires [Atom]





<< Accueil

This page is powered by Blogger. Isn't yours?

S'abonner à Messages [Atom]