vendredi, octobre 24, 2008

 

Procès de Thomas Lubanga devant la Cour pénale internationale, par Marie-Êve Marineau

Questions et réponses


Où en est actuellement le procès de Lubanga ?

Dans sa décision du 3 septembre 2008, la Chambre de première instance a rejeté la demande du procureur de lever la suspension de la procédure dans le procès de Thomas Lubanga, qu’elle avait ordonnée le 13 juin 2008. Dans cette précédente décision, la Chambre de première instance avait décidé à l’unanimité de «suspendre» la procédure contre Lubanga—interrompant ainsi le premier procès de la Cour pénale internationale (CPI)—en raison de l’incapacité de l’accusation de divulguer plus de 200 documents rassemblés au cours de son enquête et contenant des informations pouvant être utilisées «à décharge». La Cour définit comme éléments «à décharge» les documents qui démontrent ou tendent à démontrer l’innocence de l’accusé, qui atténuent la culpabilité de l’accusé, ou les informations susceptibles de remettre en cause la crédibilité des preuves de l’accusation. Selon les juges, «le droit à un procès équitable—qui est sans nul doute un droit fondamental—inclue le droit à la communication des éléments de preuve à décharge.»

Les informations en cause ont été recueillies sous l’article 54(3)(e) du Statut de Rome. Cet article permet au procureur de recevoir des documents ou des renseignements demeurant confidentiels mais qui doivent servir «uniquement à obtenir de nouveaux éléments de preuve». Ces informations confidentielles sont sensées être un «tremplin» pour l’accusation pour obtenir de nouvelles preuves lors de son enquête pouvant être utilisées lors du procès. Si l’accusation veut utiliser ces informations pendant le procès—ou respecter son obligation de communiquer à la défense les éléments à décharge recueillis sous cet article—elle doit obtenir l’autorisation de la source. Les sources concernées avaient antérieurement refusé d’accepter la communication des informations pouvant être utilisées à décharge et qui se trouvaient en la possession de l’accusation.

Est-ce que cela signifie que Lubanga sera remis en liberté ?

Ce jugement ne signifie pas que Lubanga sera remis en liberté. Le 23 juin, l’accusation a fait appel du jugement prononcé par la Cour le 13 juin, ordonnant de «suspendre» la procédure, entre autres points de débat. Toute décision relative à la libération de Lubanga est liée à la décision de la Cour d’appel. Cette décision est toujours en instance.

Alors pourquoi la Chambre de première instance a-t-elle rendu un jugement ?

Si toute décision relative à la libération de Lubanga dépend du résultat de la décision prise par la Cour d’appel, pendant ce temps l’accusation s’est employée à obtenir la communication de plus de 200 documents contenant des informations à décharge, afin de répondre aux préoccupations de la Chambre pour pouvoir «relancer» le procès de Lubanga. La Chambre a gardé le pouvoir de «lever» à n’importe quel moment la suspension qu’elle avait ordonnée, pourvu que certaines conditions soient remplies. La Chambre a jugé que les propositions de l’accusation ne remplissaient pas les conditions permettant de reprendre le procès.

Pourquoi la Chambre a-t-elle rejeté les propositions de l’accusation ?

La Chambre a estimé qu’il y avait encore trop de restrictions sur les documents pouvant être utilisés à décharge pour garantir que Lubanga bénéficierait d’un procès équitable. Les 200 documents et plus dont dispose le Bureau du procureur ont été fournis par les Nations Unies (ONU) et des organisations non gouvernementales (ONG) et ne pouvaient pas être communiqués sans le consentement des sources d’information.

Sur ces quelque 200 documents, 152 provenaient de l’ONU. L’ONU imposait des restrictions—en termes d’examen par la Chambre de ces documents et de leur communication à la défense—pour 99 de ces documents. Parmi les 50 documents et plus provenant des ONG, leur communication est actuellement envisagée pour seulement trois d’entre eux. Le nombre de documents restants fournis par des ONG et pouvant être divulgués n’était pas encore précisé, non plus que la façon dont ils le seraient.

Pourquoi les sources ne peuvent-elles pas tout simplement transmettre les informations ?

Comme nous l’avons déjà précisé, les informations qui font débat ont été recueillies sous l’article 54(3)(e) du Statut de Rome, ce qui signifie que si ces éléments doivent être utilisés de quelque façon pour le procès—même si c’est à décharge—l’accusation doit obtenir l’autorisation de la source. La nécessité d’obtenir ce consentement aide à s’assurer, par exemple, que ces sources ne sont pas exposées sans le savoir ou sans le vouloir à des risques pour leur sécurité à cause de leur coopération avec la CPI. Cela est particulièrement nécessaire pour les sources qui opèrent dans des pays où la CPI mène des enquêtes.

Dans sa décision, la Chambre de première instance a précisé que «la responsabilité des problèmes persistants […] n’incombe pas aux sources, qui ont cherché à s’acquitter de leurs mandats respectifs. Comme l’a déjà observé la Chambre de première instance, les Nations Unies et les ONG ont conclu les accords concernés en toute bonne foi, et ont cherché par la suite à aider la Cour dans une mesure compatible avec leurs responsabilités propres.»

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