lundi, décembre 22, 2008
République centrafricaine : Les civils ont besoin de protection
(New York) - Tandis que le gouvernement et les groupes rebelles prennent des mesures visant à mettre fin à la guerre civile en République centrafricaine (RCA), les civils dans la partie nord-ouest du pays sont victimes d'exactions de la part de divers groupes armés, a indiqué Human Rights Watch dans un document d'information publié aujourd'hui.
Le document d'information de 23 pages, «Comment améliorer la protection des civils en République centrafricaine» («Improving Civilian Protection in the Central African Republic»), a été publié à la suite de pourparlers qui ont débuté le 5 décembre dans la capitale, Bangui. Il exhorte le gouvernement à faire de la protection des civils la plus haute priorité et à adopter des mesures pour mieux protéger les civils dans les parties dangereuses situées dans le nord-ouest du pays où règne l'anarchie. Il exhorte aussi les Nations Unies et les groupes régionaux à soutenir cet effort.
«La population dans cette région est à la merci de groupes armés incontrôlés et de gangs de bandits armés», a expliqué Georgette Gagnon, directrice pour l'Afrique à Human Rights Watch. «Le gouvernement devrait faire tous les efforts possibles pour protéger les civils, en commençant par multiplier les patrouilles militaires et spécifier que les crimes des agresseurs ne resteront pas impunis.»
En 2008, Human Rights Watch a documenté les attaques contre les civils perpétrées dans la région par les rebelles de l'Armée populaire pour la restauration de la République et la démocratie (APRD) et par des éléments de l'Armée nationale du Tchad (ANT).
Human Rights Watch a aussi documenté les actes violents commis par des bandits peu organisés et connus sous le nom de zaraguinas («coupeurs de routes»), qui représentent une terrible menace pour les civils dans la partie nord du pays.
L'armée régulière gouvernementale, les Forces armées centrafricaines (FACA), s'est avérée incapable de protéger les civils contre ces groupes armés, en grande partie du fait de son manque de moyens, mais aussi à cause de son mode de fonctionnement. De nombreuses unités sont cantonnées à Bangui, et quand elles se rendent dans des zones dangereuses, elles n'effectuent pas de patrouilles régulières et en général elles ne s'aventurent pas à plus de quelques kilomètres des villes où elles sont basées. Dans certains cas documentés par Human Rights Watch, les forces gouvernementales n'ont pas donné aux civils d'avertissements véritables sur les opérations militaires imminentes et ont recouru à une force mortelle indiscriminée, tuant des civils durant les opérations militaires.
«Le simple déploiement de forces de sécurité qui sont insuffisamment armées, mal entraînées ou qui ne sont pas stratégiquement mobilisées pour protéger les civils ne permet visiblement pas d'assurer la protection nécessaire», a observé Georgette Gagnon. «Si le gouvernement envoie des soldats bien entraînés et bien équipés au-delà de la capitale et du voisinage immédiat des bases militaires, il pourra protéger les civils plus efficacement.»
L'année dernière, les FACA sont devenues essentiellement responsables de la sécurité dans le nord-ouest, précédemment assurée par la Garde présidentielle d'élite du gouvernement ; celle-ci avait exécuté sommairement des civils et perpétré contre eux de graves exactions tout en menant des opérations contre-insurrectionnelles dans la région de 2005 à 2007. Human Rights Watch a fait état de ces exactions dans un rapport de septembre 2007, «Etat d'anarchie : Rébellions et exactions contre la population civile.»
Le retrait de la plupart des unités de la Garde présidentielle du nord-ouest a réduit les attaques gouvernementales contre les civils dans la région. Mais les individus connus pour être responsables des pires atteintes aux droits humains commises en 2005-2007 n'ont toujours pas répondu de leurs crimes.
«L'absence d'obligation de rendre compte est l'un des obstacles majeurs à la protection des droits humains et à l'instauration de l'Etat de droit en République centrafricaine», a déclaré Georgette Gagnon. «Le gouvernement doit mener des enquêtes et engager des poursuites contre les responsables de violations de droits humains, car ne pas prendre ces mesures peut conduire à des exactions encore plus graves.»
Si le gouvernement porte la principale responsabilité de l'amélioration de la protection des civils, les organisations régionales et multinationales peuvent être en position de renforcer ces efforts. Les Nations Unies et la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) ont envoyé des missions en République centrafricaine, comprenant des soldats de maintien de la paix, qui peuvent compléter les efforts du gouvernement pour améliorer la protection civile dans le nord-ouest en conduisant des patrouilles dans les zones dangereuses.
Le Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BONUCA) peut aider à lutter contre l'impunité en contrôlant les procédures judiciaires et en facilitant les aspects pratiques des enquêtes, par exemple les transports et la médecine légale.
La Cour pénale internationale (CPI) peut aussi soutenir les efforts pour garantir que des comptes sont rendus pour les crimes internationaux en encourageant les procédures judiciaires nationales. Si le gouvernement n'est pas capable ou n'a pas la volonté d'exiger des comptes aux responsables de crimes de guerre, la CPI peut exercer sa juridiction.
Contexte
Le président actuel du pays, François Bozizé, est arrivé au pouvoir en 2003 après avoir renversé Ange-Félix Patassé par un coup d'Etat. Bozizé a été élu président lors des élections de 2005 qui ont été considérées comme libres et équitables mais qui excluaient Patassé. Peu après, la rébellion a éclaté dans la région natale de Patassé, au nord-ouest du pays.
Le principal groupe rebelle dans cette région, l'Armée populaire pour la restauration de la République et la démocratie (APRD), était largement composé d'éléments de la Garde présidentielle de Patassé. Une rébellion séparée dans la partie nord-est du pays, menée par l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), était surtout composée de soldats qui ont aidé à porter Bozizé au pouvoir, mais qui ensuite se sont retournés contre lui parce qu'il ne les avait pas suffisamment récompensés pour leur aide. Un troisième groupe, le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC), était dirigé par Abdoulaye Miskine, un Tchadien ayant des liens étroits avec le gouvernement libyen.
Le 21 juin 2008, l'Armée populaire et l'Union des forces démocratiques ont signé un accord de paix qui accordait une amnistie générale à toutes les parties au conflit (sauf aux individus accusés de crimes de guerre, de génocide, de crimes contre l'humanité, ou de tout délit tombant sous la juridiction de la CPI) et préparait le terrain pour un Dialogue politique inclusif négocié internationalement entre le gouvernement, les anciennes factions rebelles et les groupes de la société civile. Des pourparlers de paix ont été engagés et se sont déroulés à Bangui du 5 au 20 décembre.
Lien
Libellés : Droits de l'homme, Human Rights Watch, Iba Bouramine, République centrafricaine
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