samedi, décembre 12, 2009
La guerre contre l'anglais, par Richard Martineau
Richard Martineau
Journal de Montréal
03/12/2009 05h58
Hier, dans Le Devoir, l'avocat Julius Grey a publié une charge en règle contre ceux qui veulent renforcer la loi 101.
«De façon générale, il est temps d'arrêter la bataille contre l'anglais», dit le défenseur des droits individuels.
Quoi? Il y a une bataille contre l'anglais? Au Québec? Dites-moi où elle fait rage, maître Grey, car moi, tout ce que je vois, c'est le contraire, c'est-à-dire une lente et pénible érosion du français à Montréal.
EXCUSE MY FRENCH
Ma femme visite un «bar à ongles» dans le centre-ville. Toutes les informations sur les produits et les services offerts sont en anglais seulement, et la vendeuse n'est pas capable de dire un seul mot en français.
Nous allons stationner notre auto. Le préposé est incapable de me parler dans ma langue, et pique une colère quand je lui demande pourquoi il ne parle pas un traître mot de français alors qu'il travaille avec le public.
Nous nous rendons dans un centre d'activités pour enfants avec notre fils de 20 mois. Toutes les comptines diffusées pendant l'atelier sont en anglais, et 80% des indications données par la monitrice sont dans la langue de Mordecai.
IN ENGLISH ONLY
Ma femme se pointe à un cours de yoga. Le prof ne parle pas un mot de français, même si 75% des personnes présentes sont francophones.
La semaine dernière, les Montréalais étaient conviés à une expo de jeunes designers branchés. Nom de l'événement? The Smart Design Mart, «une estrade unique comprise d'une variété de jeunes designers talentueux», disait (en klingon?) le carton d'invitation.
Le site Internet est unilingue anglais.
Il y a deux semaines, je me suis présenté à un événement-bénéfice au profit d'un organisme d'aide pour jeunes en difficulté. Les indications étaient en anglais seulement et les organisateurs ne parlaient pas un mot de français.
Je vais dans un resto italien: l'hôtesse est incapable de me parler dans ma langue. Je vais dans un resto du quartier chinois: incapable de me faire servir dans ma langue.
Je vais dans une boutique de meubles: service en anglais seulement.
Tout ça dans l'espace de quelques jours.
Une guerre contre l'anglais, maître Grey? Vraiment?
QUEBEC IS RACIST !
Avez-vous lu l'enquête que nous avons publiée sur le monde du travail à Montréal? Vous êtes unilingue anglais: vous n'éprouvez aucun problème à décrocher un emploi. Vous êtes unilingue français: on refuse de vous embaucher, car vous ne parlez pas anglais.
Avant-hier, ma femme s'inscrit à un cours de vélo stationnaire dans un gym. Le prof ne parle qu'en anglais, même si les 12 clients sont francophones. Ma femme va voir la fille à la réception pour se plaindre: la fille est unilingue anglophone.
De retour à la maison, ma femme raconte cette anecdote sur Twitter.
Lesley Chesterman, journaliste au quotidien The Gazette, lit son entrée et pète les plombs.
«I stopped following a Quebec media person on Twitter because of all her anglo bashing», écrit-elle.
Puis: «It's the only thing I hate about living in this province. It's racist and it drives me crazy. J'en ai marre!»
C'est raciste, maintenant, de vouloir être servi en français? Hé bien.
AUCUN PROBLÈME
Pendant ce temps, André Pratte de La Presse écrit que «l'érosion du français à Montréal est une vue de l'esprit», et Julius Grey affirme que le temps est venu «d'arrêter la bataille contre l'anglais».
Vous voulez rire, ou quoi ?
Rien
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