mardi, juillet 01, 2008

 

Canada - Une décision majeure de la Cour suprême favorise la liberté d’expression, par Iba Bouramine


La décision rendue aujourd’hui par la Cour suprême du Canada en matière de diffamation a changé l’équilibre des forces en faveur des défendeurs - en d’autres termes, en faveur d’une plus grande liberté d’expression. La Cour appelle cela une modernisation du droit. Des phénomènes tels que les Talk Show, les panels partisans à la TV, et l’Internet, n’existaient pas lorsque les règles de droit en matière de diffamation ont été développées (elles remontent en fait à 400 ans). Ce jugement nous rapproche également de la conception américaine de liberté d'expression, et rompt avec le modèle européen de censure douce.

En d’autres termes, cette décision devrait terrifier les commissions des droits de la personne du Canada. Je n’avais aucun doute, avant cette décision de la Cour suprême, que les commissions des droits au Canada se comportaient de manière inconstitutionnelle – excédant les limites des pouvoirs restreints de censure qui leur ont été accordés dans les années 1990 par la décision Taylor. C’est maintenant une certitude que l’article 13 (de la Loi canadienne sur les droits de la personne) serait invalidé par cette Cour suprême éprise de liberté d’expression.

Les faits de cette cause concernaient le légendaire animateur de radio de Colombie-Britannique Rafe Mair, et une activiste conservatrice nommée Kari Simpson. Mais la loi s’applique à tous les cas au Canada à l’avenir, pas seulement au leur.

La décision est écrite dans une langue assez claire, contrairement à certaines décisions opaques de 200 pages par lesquelles la Cour s’est fait connaître dans les années 1990 et qui étaient probablement un signe d’indécision. La présente décision est très claire.

Voici quelques extraits saillants de la décision :

...« Soit dit en tout respect, j’estime que la Cour d’appel a indûment favorisé la protection de la réputation de Kari Simpson dans un débat public plein de rancoeur auquel elle avait pris part comme l’un des principaux protagonistes »....

...« En l’absence de preuve de malveillance de sa part (laquelle n’était pas un motif dominant pour M. Mair selon la juge de première instance), l’opinion qu’il exprime, pour exagérée qu’elle fût, était protégée par la loi. Nous vivons dans un pays libre, où il est permis d’énoncer des opinions outrancières et ridicules tout autant que des vues modérées »....

...« M. Mair a la réputation de provoquer la controverse ; avec la controverse, est venue une certaine réussite commerciale. Ses auditeurs s’attendent à l’entendre formuler des opinions outrancières et, selon son avocat, ils ne les prennent pas vraiment au sérieux »....

...« On redoute en effet que, par crainte des coûts de plus en plus élevés et des problèmes engendrés par les poursuites en diffamation, les diffuseurs passent sous silence des questions d’intérêt public. On prétend que des reportages d’enquête sont mis à l’écart, en dépit de leur véracité, parce qu’ils sont fondés sur des faits difficiles à établir en fonction des règles de preuve. Inévitablement, lorsqu’il y a controverse, il y a souvent poursuite, non seulement pour des motifs sérieux (comme en l’espèce), mais simplement à des fins d’intimidation. Bien sûr, il n’est pas intrinsèquement mauvais que les propos faux et diffamatoires soient « réprimés », mais lorsque le débat sur des questions d’intérêt public légitimes est réprimé, on peut se demander s’il n’y a pas censure ou autocensure indues. La controverse publique a parfois de rudes exigences, et le droit doit respecter ses exigences »...

...« Dans beaucoup de médias modernes, des personnalités comme Rafe Mair font autant de divertissement que de journalisme. Il arrive souvent que les médias présentent des joutes où s’affrontent les tenants de deux positions opposées concernant un sujet donné. L’auditoire comprend que les combattants, comme des avocats ou un avocat du diable, défendent une position dans une affaire. L’important dans un tel débat sur des sujets d’intérêt public est que tous les aspects de la question sont présentés avec force, bien que la restriction selon laquelle les opinions doivent être de celles qu’on pourrait « exprimer honnêtement vu les faits prouvés » limite la mesure dans laquelle il est possible, dans un discours public, de ternir des réputations privées »....

La décision ne met pas fin aux poursuites en diffamation, bien sûr. Elle ne fait que déplacer un peu le point d’équilibre en élargissant la portée de ce qui constitue un « commentaire honnête ». Des commentaires honnêtes doivent toujours s’appuyer sur des faits véridiques. Mais si ces faits sont clairs, et que les commentaires du diffamateur sont clairement son opinion, le tribunal donnera toute latitude à l’expression d’opinions mêmes « outrancières » ou « ridicules ».

La règle de pouce pour les auteurs, et les bloggers, demeure : vérifiez vos faits. Mais la bonne nouvelle pour les défenseurs de la liberté d’expression est que, si les faits sont exacts, vous pouvez être dramatique, critique et même avoir tort dans vos opinions. C’est une bonne nouvelle pour les bloggers - et une mauvaise nouvelle pour tous les censeurs.

Et j'espère que ça continue.

Iba Bouramine,
21 ans,
Née à Alger, c'est à Ahunstic que j'ai grandie

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